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1Monseigneur, il y a déjà troys ou quatre jours que je receu vos lettres du XVe, avec
2une du sieur du Villars Boivin, laquelle j’envoye à monsieur de Saint-André.
3Celles que monseigneur et madame de Savoye escrivent à monsieur le maréchal
4adjouxtent qu’il ne laisse d’estre bon mary, pour avoir esté avec monsieur le maréchal
5de Brissac et avec luy. Vous pouvés penser si cela est prins
6pour argent content. J’ay dict avant la main à mondit seigneur le maréchal
7que c’est une damoiselle à ses droicts, qui ne m’appartient aujourd’huy
8de si près qu’elle soloit, et néantmoins que si elle a encor quelque opinion de
9mon amitié, je ne luy voudrois conseiller chose ny à son désavantaige, ni
10pour l’esloigner. Il l’a prins ne plus ne moins que vous faittes, et m’a dict d’en
11faire dresser la responce ; et de fait, encor que je désyreroys bien qu’elle fust de
12meilleur accord avec monsieur de Saint-André et qu’elle se voulut servir d’autres conseils
13que ceux que la conseillent, si est-ce que je ne souhaitte riens moins son bien que
14devant. Madame d’Usès est icy puis quatre ou cinq jours, qui n’a rien laissé à la
15cour de sa bone grâce. Elle fait ce qu’elle peut pour rentrer avec le roy en ses
16places, mais elle ne trouve pas partout le crédit qu’elle voudroit ; pour
17le moins ha-elle asseuré sa maison de Charmes. Il y a tantost huict jours
18que nous avons le plus dur hyver qu’il est possible, et ne cuyde point avoir
19veu neiger pour XVIII ou XIX heures plus que icy, car ce n’a
20esté guères moins de deux pieds, dont il n’est rien fondu à cause
21des extrêmes bises qui ont depuis régné ; de sorte que j’ay veu
22ce matin le Rosne prins, et en quelques lieux le bestail y passe, qui est
23venu le plus mal à propos du monde, car le propre jour qu’il comença à
24neiger, monseigneur le maréchal avoit mis en campaigne XV ou XVI hommes qui
25ont esté contraincts séjourner à Couvisson, laquelle, ayant prinse d’armes
26et défait une compagnie qui estoit dedans, ils treuvent le surplus
27assiégé dans le château ; mais l’artillerie nous manque ; néantmoins, on ne
28laisse d’espérer qu’ils pourrayent estre contrainctz par nécessité, d’aultant
29qu’ils y sont entrés près de III ou IIIIc persones à l’improuveue. Le
30dessaing que nos trouppes estoyt de se jecter dans les Sevènes
31qui sont maintenant closes ou armées de ces neiges. Monsieur l’admiral
32en doit estre plus mal pour avoir déjà commencé son gros jeu, et au
33dégel il aura les boues qui seront aussi fascheuses en ces pays gras.
34[v] Je vous envoye la copie d’une prétendue association que les huguenots
35font courir, laquelle il y a grande apparence estre faincte, quand ce
36ne seroit qu’il est bien difficile que l’assemblée eust esté si tost
37faicte et la résolution prinse, attendu que en si peu de temps,
38vous avés bien affaire d’assembler les estas de Daulphiné ; et sil en
39estoyt quelque chose, ce seroit plus tost un project de ce que ceux
40qui sont hors leurs maisons désyreroyent. Sont ainsi que les banques
41de Lyon font souvent courir le discours des choses advenir pour
42nouvelles de celles qui sont advenues. Tant est que on nous a raporté
43que à La Rochelle, ils ont déjà dressé une république sur le principe
44de la prétendue confédération, et nous avons veu de leurs commandemens
45où ceux qui commandent ne font aucune mention du roy, comme es
46troubles passés. Et là-dessus, je vous veux bien doner un advis,
47c’est que l’on prétend que soudain que les huguenots de ce royaulme
48seront asseurés de la résolution des secours estrangers et qu’ils
49les treuveront prêts et debout, ils se doivent élever et se saysir en chacune
50province de ce qu’ils pourront pour occuper et distraire devantaige les
51forces du roy ; ce qui n’est pas trop mal croyable pour deux raisons :
52l’une pour ce que, comme disoit un ancien : Nemo diutius in ea conditione
53manet cuius eum pœniteat quam necesse sit ; l’autre pour ce qu’il ha
54esté dict il y a deux mil ans, et nous l’avons trop expérimenté depuis dix
55ans, que on ne tient jamais promesse en ces guerres civiles, et ha l’on
56tousjours quelque prétexte de s’en départir ; de sorte, Monseigneur, que il me
57semble estre bon d’y estre fort ententif, spécialement jusques à ceste
58prime vere que l’on porra mieux découvrir leur jeu et leur dessaing ; or n’y pouvés-vous
59bonement pourveoir que vous n’ayés quelques petites forces debout, que me fait
60persévérer en ce que vous devés insister d’avoir des forces ; et si
61vous entendés qu’il s’en dresse à Genève, vous ne devés avec supposition
62attendre la permission du roy, ains les préparer et en doner quant et quant advis à sa magesté.
63[340] Je vous envoye la lettre que je receu harsoir de monsieur de La Coste.
64A ce que je voye, l’un fortifie l’autre ; et certes il en advient
65souvent icy, si je cuydois pouvoir rien gaigner, je leur réscrirois
66voluntiers. Mais je veux prier monsieur de La Coste de me faire
67fère responce affin que j’en aye meilleur argument.
68Monseigneur, je me recommande très humblement à votre bonne
69grâce et prie le Créateur que vous done, en parfaicte santé,
70très longue et heureuse vie. De Beaucaire, le XXIXe
71jour de decembre 1572.
72Votre très humble et très affectionné
73serviteur….. Bellievre
74Madame de Gordes et monsieur de La Roche
75verront icy, s’il leur plaict, mes semblables
76recommandations à leurs bonnes grâces.
77Je vous ay amplement escrit par monsieur Monteau, qui
78devoit laisser mon pacquet à monsieur de La Tivolière.
79Je vous advertissois de la plaincte de madame la
80comtesse de Grignan et de ce qui y avoit esté ordoné.
81Nous n’avons encor point de responce de l’exécution.
82Monsieur de Rousset y est, duquel vous devés en avoir des
83nouvelles, et si je prieray ce porteur que s’il treuve encor
84ledit sieur de Monteau en Avignon, qu’il preigne mon pacquet à vous.
85Il y en a qui ont passé aujourd’huy le Rosne d’ici à Beaucaire
86sur le glas. C’est merveille du froid qu’il faict icy et à
87Montpellier.
88J’entends que monsieur de Montpezat
89est mort.
90J’ay depuis receu responce du
91roy dont j’envoye les copies à monsieur
92de Saint-André.